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Entretien avec Aurélie Bossu, vannière, Atelier Aurélie Vannerie

Aurélie Bossu @aurélievannerie

Aurélie Bossu est vannière.
Passionnée par cet art, elle a créé en 2020 son entreprise, Aurélie Vannerie. Dans son atelier installé à Cholet, elle s'attache à maintenir un savoir-faire artisanal en lui insufflant un caractère contemporain.
Pour ses créations entièrement réalisées à la main, elle allie le savoir-faire technique à l’esthétique et réconcilie la matière naturelle à la matière plastique.
Son objectif : redonner ses lettres de noblesse à un savoir-faire artisanal ancestral, l'ancrer dans la modernité, et le transmettre.

Quel est votre métier, Aurélie Bossu ?

Je suis vannière. C'est un métier d'art, il fait partie des 281 métiers d'art officiellement répertoriés. C'est devenu un métier rare, car nous ne sommes aujourd'hui plus que 300 professionnels, alors qu'au début du 20e siècle il y avait en France plusieurs milliers de vanniers.

Vous êtes devenue vannière à la suite d'une reconversion professionnelle, pourquoi ce choix ?

Pendant 20 ans, j'ai pratiqué aussi un métier passion : j'ai été styliste de mode. Lorsque j'ai eu l'impression que je ne pouvais plus exprimer ma part de créativité, que les collections qui se répétaient ne me correspondaient plus du tout, je me suis orientée vers un métier pour lequel il fallait travailler avec la main et remettre cent fois l'ouvrage sur l'établi pour parvenir à une création qui n'est pas copiable. Un métier qui, entre autres, demande d'être créatif au sens premier, mais aussi d'être créatif dans l'organisation et dans la création d'une entreprise.

Comment se forme-t-on au métier de vannier ?

Nous avons la chance d'avoir en France l'école de Fayl-Billot, en Haute-Marne, et il y a aussi Villaines-les-Rochers, en Touraine. C'est là que j'ai suivi une formation intensive avec un maître artisan, en 2014 et, depuis, je travaille en permanence ma main, je travaille la vannerie.
J'ai travaillé beaucoup toute seule mais, à un moment donné, je me suis retrouvée bloquée pour certains aspects techniques. Par chance, j'ai trouvé près de chez moi une association de vannerie où quelques aînés possèdent tout un éventail de savoir-faire.

   Trusquin @aurélievannerie

Un monsieur de cette association m'a beaucoup aidée et m'a beaucoup appris, il m'a expliqué ses outils, il m'a même fabriqué un super outil. A chaque fois que je publie une vidéo montrant cet outil, j'ai des appels pour savoir où je l'ai eu, et je suis ravie de répondre "c'est André qui me l'a fabriqué" !
Ce sont des gens qui ont les yeux qui pétillent en parlant de leur savoir-faire, ils sont prêts à transmettre et c'est génial parce que, même en microentreprise, comme moi, on ne travaille jamais seul, c'est important de créer un réseau. 

Quand avez-vous créé votre entreprise ?

J'ai créé mon entreprise Aurélie Vannerie en 2020, mais en réalité, comme je le disais, c'est un long cheminement. Pour s'installer, il faut dépasser un certain nombre de freins et être sûr de son choix. Mon mari aussi est à son compte, nous avons deux enfants et, au début d'une activité indépendante, on renonce à un certain nombre de choses, en termes de temps libre ou de niveau de vie. Mais c'était une nécessité vitale, pour me sentir en accord avec mes propres valeurs, comme le développement durable, les matières locales ou les circuits courts, plutôt que les produits importés d'Asie.

Votre entreprise est une jeune entreprise. Dans ce cas, comment s'organise-t-on ? Quel est le rapport entre le temps que vous accordez à la création, à la fabrication, et celui consacré à la gestion de votre entreprise ?

Porte bouteilles osier @aurélievannerie

Je travaille avec le vivant, avec la matière osier, ce qui impose un cycle intrinsèque à mon métier de vannière. Je dois suivre le rythme de la nature, le rythme des saisons.

Parallèlement, j'ai identifié un autre cycle dans la vie de l'entreprise : durant le premier semestre, de janvier à mai, je gère prioritairement l'administratif, je relance les réseaux, je m'occupe de la communication. Bien entendu, je continue de produire, pour assurer la continuité de mes créations dans les boutiques où je suis en dépôt. Cela veut dire que je suis toujours en flux tendu.

Porte écouteurs @aurélievannerie

Durant le second semestre, la priorité c'est la vente, je ne peux pas rater cette période : je suis présente dans les boutiques, j'assure des permanences, durant les derniers mois de l'année je participe à de nombreux salons d'artisans d'art. Entre la préparation des évènements, le suivi, la vente, la production, ce sont plusieurs casquettes et une charge de travail très importante.

 

Je me force à réserver des créneaux pour parfois sortir de ce flux tendu, pour réfléchir à l'avenir, à la manière de se tenir aux objectifs de développement que je me suis fixé. Disons que, même si j'en ai envie et besoin, ce n'est pas le moment de se reposer. Même dans les périodes creuses d'un point de vue commercial, il y a énormément de choses à faire pour rester visible. Et il y a bien sûr la comptabilité, le travail technique aussi, pour préparer la matière ou pour imaginer de nouvelles pièces.

À propos de matière …

J'ai toujours voulu connaître ma matière première : à quel moment on la plante, à quel moment on peut la ramasser, à quel moment on la travaille pour qu'elle soit blanche. J'ai une petite oseraie, de manière à pouvoir utiliser de la matière locale, à y cultiver des teintes qui me plaisent, des saules qui sèchent de différentes manières - je rappelle que l'osier est une variété de saule.
Mais je suis heureuse de travailler aussi avec des osiériculteurs en Touraine, pas loin de Cholet, parce que j'ai eu cette prise de conscience que s'il n'y avait personne qui s'occupait de produire ma matière première, je ne pourrais pas être vannière.
Encore une fois, la vannerie, l'osier, c'est du vivant. Il faut suivre les saisons, faire tremper les brins, calculer les quantités … j'ai créé mon propre produit, donc mon propre process. Cela aussi prend du temps, il faut toujours anticiper.

Dans votre parcours d’artisan d’art, avez-vous été confrontée à un défi, à un cap, pour le développement de votre activité ?

Je ne sais pas si on peut parler de défi, en réalité c'est un cheminement de vie, ce sont plusieurs caps de vie, différents freins à dépasser … j'ai créé Aurélie Vannerie quand j'ai eu le sentiment d'avoir débloqué tous ces freins.
J'ai su identifier quelles étaient mes compétences, mes points forts, mais aussi mes faiblesses. Je savais que j'avais des choses à apprendre du point de vue administratif, alors je me suis lancée avec la Boutique de Gestion d'Entreprise (BGE), ce suivi a été précieux.
Il s'agit aussi de faire les bonnes rencontres : j'ai eu la chance de rencontrer Marie Chauvat, avec qui nous avons monté la boutique Mado Madi à Sarzeau. J'ai pu y observer des artisans d'art et me dire, s'ils y arrivent, c'est possible, ça va être dur, mais c'est possible. J'ai observé longtemps, j'ai étudié, j'ai pris du temps, c'est tout un cheminement, qui date de bien avant 2020.
Maintenant, je dirais que passé les premiers mois d'effervescence après la création de l'entreprise, on arrive dans le vif du sujet, il faut travailler pour le long terme, pour installer les choses et aussi évoluer.
Par exemple, jusqu'à récemment, je me disais que le e-commerce n'était pas pour les artisans d'art, je considérais que la vente de nos créations était une histoire de rencontre avec l'objet, une histoire de toucher, de vue … J'ai changé d'avis après avoir participé l'année dernière au Salon de la Création Métiers d'Art de Nantes : je me suis fait référencer par la CMA, et j'ai suivi le parcours d'accompagnement mis en place par la Mission "Pays de la Loire - Métiers d'Art" avec AMEADE.
C'est toute une évolution, il faut être ouvert, prêt à parfois se remettre en question et prendre conscience que ça fait bouger les lignes.

Donc, prochaine étape, je vais lancer un e-commerce, je mets tout en place pour cela.
J'avais aussi un préjugé sur le financement participatif, c'est une question que je me posais et, finalement à la faveur de différentes rencontres, maintenant j'envisage de me lancer.

Enfin, la vannerie est à l'origine un art populaire et fonctionnel, dans chaque région on fabriquait des récipients utilitaires.
Mais aujourd'hui, les produits fabriqués en Asie à bas coût font que, pour sauver notre savoir-faire, nous devons renforcer notre créativité, le côté artistique de nos créations, aller vers une forme d'excellence.

         Paniers osier @aurélievannerie

Votre propre site d'e-commerce est un objectif à moyen terme. Aujourd'hui, quel est votre marché ?

Aujourd'hui, mes créations sont présentes dans le showroom d'une architecte d'intérieur, mais les ventes de ma collection permanente sont réalisées principalement en boutique, pour des clients particuliers. Petit clin d'œil à ma famille, qui me soutient, certains de mes paniers s'appellent Viggo ou Gabin … ☺
Pour en revenir à mon marché, à ce jour je n'ai pas forcément la capacité de répondre à des commandes de grandes pièces en grande quantité.
En revanche, à terme, j'aimerais réaliser des collaborations avec des architectes d'intérieur, des designers, toucher des prescripteurs, des entreprises. Mais cela se prépare, il faut mettre en place une politique de prix cohérente avec le travail que représente une création iconique telle que j'ai envie de réaliser.
A plus court terme, j'envisage de créer des collections capsule, que je proposerai sur mon site d'e-commerce. J'ai tout un travail à faire pour les faire connaître auprès de ma communauté, de la réalisation des photos (encore une casquette!) à la communication, sur les supports en ligne notamment. C'est une prise de risque, car il faut que les clients acceptent de devoir attendre un peu pour recevoir leur pièce, mais ce sont des créations uniques, et non pas des pièces qui arrivent d'Asie, alors je dirais que cela vaut la peine de patienter.

Nous parlions de défis plus tôt … comme je voudrais être prête pour la période des salons et de Noël, je crois que c'est un défi !

De quoi êtes-vous le plus fière, la plus heureuse dans votre parcours ?

Cette question est très difficile car cela ne fait que deux ans que j'ai créé mon activité. Je dis souvent que j'ai beaucoup de chance, mais il faut croire que j'y suis pour quelque chose car, comme me le dit une amie, la chance, ça se provoque, et il est vrai que je suis très exigeante avec moi-même.

Pour terminer cet entretien, que répondriez-vous à quelqu’un qui vous dit « je veux faire ce métier, et je veux en vivre » ?

Pour que l'on puisse s'installer à son compte, et essayer d'en vivre, il y a beaucoup de facteurs qui doivent en quelque sorte s'aligner.
Évidemment, il y a la désirabilité du métier d'art et des métiers créatifs, qui font rêver, mais ces métiers ont quand même un aspect dont on parle moins en effet, c'est celui du temps qu'il faut pour arriver à gagner sa vie.
Mon métier de vannier est fantastique et je n'aurais jamais assez d'une vie pour faire tout ce que j'ai envie de faire, c'est formidable, mais il ne faut pas que la question des revenus, ou des non revenus, soit tabou. Il faut prendre conscience que l'on ne va presque rien gagner pendant deux-trois ans, au début. Je dirais que chacun doit être capable de choisir et de savoir ce à quoi il est capable de renoncer pour suivre son chemin et être en accord avec ses envies.
Ce n'est pas facile. Pour y parvenir, moi, je me suis entourée de personnes bienveillantes, qui ont envie de transmettre et de partager leur savoir-faire, leur expérience. Ce sont elles qui nous nourrissent et qui nous aident à avancer, ce sont toutes ces belles rencontres.

Atelier Aurélie Vannerie

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