Stéphane Galerneau
©Création Galant
Stéphane Galerneau est artisan d'art, créateur, designer. Amoureux des matières, il exerce depuis près de quinze ans son savoir-faire de fondeur d'art dans son atelier, Création Galant, près de Poitiers.
Objets décoratifs, luminaires, créations sur mesure – chacune de ses pièces contribue à forger un univers créatif où la nature domine et faire rêver, et qui a conquis de nombreux clients dans le monde entier.
Quel est votre métier, Stéphane Galerneau ?
Je dirais que je suis fabricant de rêve, ou plasticien. C'est très compliqué de définir cela. Pour simplifier, mon cœur de métier, mon savoir-faire, est fondeur d'art. L'un de mes savoir-faire, en réalité puisque, je travaille plusieurs matières.
J'ai un parcours un peu atypique : après un diplôme national d'enseignement supérieur, j'ai obtenu un diplôme d'environnement et design aux Arts Déco de Limoges, berceau de la porcelaine.
Mon premier travail était pour un groupement - Bernardaud, Baccarat, Christofle -, j'étais responsable des implantations des corners. Ensuite, j'ai travaillé pour Bernardaud uniquement, puis j'ai monté mon propre bureau d'études, car ce qui m'intéressait c'était la création, les produits.
Via mon bureau d'études, j'ai recommencé à travailler pour la porcelaine, Philippe Deshouliéres, Porcelaines de Sologne, Guy Degrenne, pour l’Orfèvrerie Roux Marquiand, pour la Cristallerie Daum, j’ai pris la direction artistique des Cristalleries de Haute Bretagne puis des faïenceries de Lunéville, et ensuite celle du groupe Deshoulières. J'étais parisien, à l'époque, et je travaillais donc pour différentes sociétés.
Quand avez-vous créé votre entreprise de fonderie d'art ?
Officiellement, en septembre 2007, mais disons qu'il y a eu une période de transition à partir de 2004. Le directeur de production d'une société pour laquelle j'étais designer approchait de la retraite et il m'a proposé de nous associer : à moi la conception des collections, à lui la fabrication. L'entreprise était près de Dieppe, nous avions trois personnes sur place, et moi je me rendais à Dieppe une à deux fois par semaine. Cela a très bien fonctionne mais, lorsqu'il a pris sa retraite, j'ai fermé la société, j'ai déménagé de Paris et je suis parti à Poitiers.
Avec l'aide de mon ancien associé, à qui j'ai demandé de venir me former, je suis parti d'un petit atelier, pour pouvoir continuer à répondre aux demandes des clients, décorateurs ou autres, qui continuaient de me relancer.
Pour ainsi dire, j'ai commencé dans mon garage, avec le matériel et les moules préservés de ma précédente société, et en trouvant des partenaires pour l'étape de dorure, qui est très délicate et soumise à une réglementation stricte.
Au fil des années, je me suis agrandi et j'ai aménagé les lieux pour pouvoir organiser un véritable outil de création et production, afin de gérer dans un même espace, la fonte, le polissage, le montage, le stockage, l'emballage.
Mon épouse s'occupe de toute la partie administrative, nous sommes complémentaires, car elle a la connaissance de tous les dossiers et moi je suis plus intéressé par la création que par l'administratif !
Pouvez-vous estimer le rapport entre le temps que vous accordez à la création, à la fabrication, et celui consacré à la gestion inhérente de votre entreprise ?
C'est très difficile de répondre à cette question. De savoir comment on s'organise pour créer, pour produire, pour vendre, pour participer à des salons, pour préserver sa vie familiale – nous avons quatre enfants …
Pour essayer d'y parvenir, surtout que mon atelier se trouve au même endroit que mon habitation, je me suis contraint à des horaires très stricts, un peu comme des horaires de bureau. Je suis à l'atelier très tôt tous les jours, surtout de janvier à mars, qui sont des mois très importants en termes de production.
D'autant que par ailleurs je suis administrateur des Ateliers d'art de France et élu régional la chambre des métiers, la défense de nos valeurs et de notre identité étant aussi très importante à mes yeux
J'essaie de préserver les week-ends, mais cela n'est pas toujours possible, surtout en période de salons. Cette année, Maison & Objet a été pour moi un très bon salon, beaucoup de nouveaux clients, de plus les salons concurrents, Francfort, Milan et Barcelone, n'ont pas eu lieu - maintenant il faut suivre en termes de production.
Sachant que l'on peut se confronter à des problèmes inattendus : la situation actuelle fait que, depuis quelques semaines, c'est un défi quotidien que de trouver des matières premières à des prix raisonnables, en l'occurrence, pour moi, du métal. Je passe beaucoup de temps à échanger avec des fournisseurs, à essayer d'en trouver des nouveaux, à réfléchir à la manière dont mes prix seront impactés.
Ce problème se pose d'ailleurs avec tous les fournisseurs. Les fabricants d'abat-jours, de matériel électrique, d’emballage avec lesquels je travaille sont eux aussi confrontés à des augmentations de prix de leurs matières premières
Il faut arriver à gérer ces augmentations, sans trop réduire nos marges. Nous ne pouvons pas non plus nous permettre d'augmenter les prix de nos créations tous les quinze jours, bien que ma clientèle soit bien consciente que tout est fabriqué en France, avec des savoir-faire de pointe - mon partenaire pour la dorure travaille par ailleurs pour l'industrie aérospatiale – et que tout cela a un coût.
Concernant le temps réservé à la création, j'ai toujours un bout de papier sous la main, je dessine souvent, ou je prends des notes, dans l'atelier, dans le train … si je suis à l'atelier, il m'arrive souvent de prendre un peu de plastiline ou de terre, ou de bois, et je m'amuse à faire de petites choses, des miniatures avant de d'attaquer des grandes pièces.
Au fond, je travaille avec toutes les matières qui m'inspirent.
Dans votre parcours d’artisan d’art, y a-t-il eu un moment où vous avez été confronté à un défi, à un cap, dans le développement de votre activité ?
Oui, sans doute, à commencer par le fait de bien continuer de s'organiser efficacement pour collaborer avec des clients haut de gamme, tels Bergdorf Goodman, à New York, alors que l'on travaille seul. Il faut tenir les délais, la qualité, et avec le temps cela devient un peu plus difficile ne serait-ce qu'en raison des contraintes physiques : certains moules, par exemple, pèsent entre 40 et 45 kg.
Un autre défi est celui d'imaginer la collection qui va trouver son marché, tout en préservant ma créativité. J'essaye de proposer de nouveaux modèles chaque année. D'autant que je suis régulièrement confronté au risque de copie, et ce combat est complexe à mener, car les procédures sont longues et coûteuses. Alors je me renouvèle, tout en veillant à préserver mon identité créative, cette marque personnelle qui fait que des visiteurs arrivant pour un salon puissent immédiatement dire "cette pièce, c'est Création Galant".
Une chose est sûre : pour créer, pour me renouveler, je suis mon instinct, mes envies, mon expérience, et non pas les cahiers de tendances, lesquelles sont par définition très éphémères. Je m'attache à créer aussi de l'émotion, je ne m'enferme pas dans une complexité technique, que le client ne voit pas forcément.
Enfin, ce n'est pas un défi à proprement parler, mais j'aime marier les matériaux, alors je fais des collaborations avec d'autres artisans d'art, je trouve cela absolument génial de mettre en commun des compétences et des savoir-faire.
D'ailleurs, je vais avoir une annonce à faire bientôt, c'est un peu la course, mais c'est très motivant :).
Avez-vous eu besoin d’être accompagné pour passer ces caps, ces défis ?
Pour avancer, je dirais qu'il faut avant tout rester ouvert et curieux, et pas trop conformiste. Oui, se tenir au courant des évolutions du marché, mais aussi essayer d'avoir un pas d'avance.
J'apprécie aussi de travailler en réseau, cela permet de se diversifier, d'échanger, d'entendre parler de nouveau fournisseurs - cela sert beaucoup, que de rencontrer d'autres artisans d'art, et c'est l'un de nos problèmes, le fait d'être plutôt dans notre monde en dehors des évènements.
Coupe ©Création Galant, Stéphane Galerneau
Discuter, échanger, cela permet également d'analyser les freins, ses peurs, parfois c'est une question de formation. J'encourage tout le monde, ceux qui sont déjà installés, ou les jeunes artisans, ou ceux qui sont en reconversion professionnelle, à se former. Savoir fixer un prix de revient pour un produit, cela s'apprend, tout comme rédiger les documents pour exporter, ou tenir ses comptes, ou utiliser les réseaux sociaux - tout s'apprend.
Il faut rester en veille, actif, pour pouvoir disposer des outils qui pourraient nous servir pour savoir ce que l'on est capable de créer et de produire en gagnant sa vie. La marge, les charges, ce ne sont pas des gros mots, il faut bien sûr y réfléchir.
Lampe ©Création Galant, Stéphane Galerneau
Quel est votre marché aujourd’hui ?
Il m'arrive parfois de vendre mes créations à des particuliers que j'ai rencontrés à l'occasion de salons, mais je travaille principalement avec des magasins et avec des prescripteurs, des décorateurs haut de gamme, en France et à l'étranger.
Quelle est la place de la vente en ligne dans votre démarche commerciale ?
A ce jour, je ne propose pas de vente en ligne via mon site Internet.
Ce sont les grands magasins et les boutiques avec lesquels je collabore qui proposent cela éventuellement, et cela me paraît cohérent avec mon offre, avec mes créations. Je dirige d'ailleurs les éventuelles demandes directes de clients particuliers vers ces partenaires, avec lesquels je travaille depuis longtemps.
Mais la porte n'est pas fermée, à réfléchir, pourquoi pas, pour des créations uniques …
A près de 15 ans d'existence de Création Galant, de quoi êtes-vous le plus fier ou le plus heureux dans votre parcours ?
C'est vrai que j'ai démarré Création Galant en commençant avec mon épouse dans un coin du garage, mais je ne regarde jamais en arrière, au contraire, je me pose des questions, j'avance, j'aime bien les défis dont nous parlions plus tôt.
Alors je vais parler une fois de plus de la relation humaine. Que ce soit avec les clients, avec les partenaires, les fournisseurs … j'apprécie ces belles rencontres, les souvenirs.
J'ai même des clients qui m'ont envoyé les photos des pièces en situation, chez eux. C'est magnifique, je suis heureux que mes clients soient heureux. Vous savez, je suis rarement fâché avec des clients et, si cela arrive, ce sont des questions de logistique, jamais une question liée à la création elle-même.
Que répondriez-vous un quelqu’un qui vous dit "je veux faire ce métier, et je veux en vivre" ?
Cette question m'est posée assez souvent. Pour commencer, je fais la différence entre ceux qui savent ce qu'ils veulent, créer une entreprise par exemple, et ceux qui possèdent une base technique et qui veulent gagner leur vie avec.
Mais, pour tout le monde, jeune diplôme, reconverti, je pense qu'un passage dans une entreprise est indispensable. Les formations professionnelles sont trop courtes. Pour parfaire son savoir-faire et aussi pour comprendre comment fonctionne une entreprise, un fournisseur, une facture, avant de s'installer à son compte et d'exercer son savoir-faire, son métier en gagnant sa vie avec. Car je trouve dommage que, pour certains artisans d'art, le fait de donner des stages et des cours soit devenu leur principale activité, avant la création et la production.
Pour conclure cet entretien, avez-vous réfléchi à la manière dont se fera un jour la transmission de votre entreprise ?
C'est un peu tôt, mais je pense que je voudrais surtout que les collections soient transmises, préservées. Mes enfants aiment ce que je fais, ils viennent souvent à l'atelier, mais ils ont choisi d'autres voies professionnelles. Alors je verrais bien la transmission de l'entreprise plutôt comme un passage de témoin en douceur, une période de transition pendant laquelle j'associerais et j'accompagnerais quelqu'un qui maîtrise déjà le métier et qui voudrait, à terme, poursuivre l'aventure tout seul.
Atelier ©Création Galant
Coupe ©Création Galant
Bougeoir Corolle ©Création Galant
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